Assassinat de Thierry Castola
Retour sur la deuxième semaine de procès

Débuté le lundi 11 mai, le «procès Orsoni» fait autant parler que les événements qui le précèdent : deux morts, un blessé, plusieurs cavales et au moins deux grèves de la faim.

Retour sur la deuxième des 7 semaines que prendra ce procès hors normes qui se déroule à la cour d'assises des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence. 

A la barre, Guy Orsoni et onze autres prévenus pour les meurtres de Thierry Castola et Sabri Brahimi et la tentative d'assassinat de Francis Castola en 2009 à Ajaccio.

Procès Orsoni : famille et ami plaident pour Guy

Publié le 22 mai

Ils n'ont pas tous le même profil, les mêmes liens ou encore la même assurance. Mais ils ont un point commun : Guy Orsoni. Hier, plusieurs témoins ont pris la parole pour évoquer la personnalité de l'accusé ou lui fournir un alibi dans la salle d'audience du palais Monclar d'Aix-en-Provence, où la cour d'assises juge depuis le 11 mai douze personnes pour trois crimes commis en 2009.


L'assassinat de Sabri Brahimi le 29 janvier 2009 ? la tentative perpétrée contre Francis Castola le 22 juin de la même année et l'homicide de son frère Thierry six mois plus tôt, le 3 janvier, à 20 heures.


Depuis le début de la semaine, c'est principalement cette affaire qui occupe la cour, présidée par Patrick Vogt. Elle suit un programme serré afin de ne pas dépasser les sept semaines de procès initialement prévues.


Les accusés ont pris la parole lundi dernier, histoire de nier les faits en quelques mots. Depuis, aucun son ne s'échappe du banc de la défense ou du box vitré où se trouvent les accusés, si ce n'est à l'occasion des interventions de leurs avocats. Ce qui n'empêche pas la cour d'évoquer longuement les cas des uns et des autres à travers les témoins. Le tour de ceux venus déposer pour Guy Orsoni est ainsi arrivé.

Après ma garde à vue j'ai voulu me souvenir
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Avec autant de finesse que sa soeur, et mère de Guy Orsoni, la tante de l'accusé s'avance à la barre. Contrairement à tous ceux qui l'ont précédée, le président n'aura que très peu l'occasion de lui relire ses auditions. Ayant ciblé sa mission, elle entame naturellement son récit. L'histoire d'une rencontre fortuite lors d'une fin de journée hivernale. 

« En 2012, donc trois ans après les faits, vous parvenez à vous souvenir, sans dire précisément mais du moins avec quelques détails, ce que vous avez fait le 3 janvier 2009 »

, introduit le président, intrigué par cette mémoire.

 

A contrario

, parfois l'amnésie l'interpelle tout autant.

 « Dans le cadre d'une autre affaire jugée ici et que l'on évoquera plus tard j'ai été placée en garde à vue, une expérience assez traumatisante puisque j'arrivais difficilement à remettre mes souvenirs en place »

, concède la tante de l'accusé, ingénieur de profession, avant de poursuivre son raisonnement.

« Lorsque j'ai été convoquée en 2012 j'ai eu à coeur de me souvenir, afin de ne pas revivre l'expérience de la garde à vue. De plus je vis à Paris, je viens en Corse pour les fêtes ou les vacances, et je vois rarement Guy. De fait, j'ai pu réussir à me rappeler les moments passés avec lui à cette période. »

 

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 Nous sommes restés jusqu'à 19 h 30, 20 heures

Le chapitre deux de cette histoire consiste alors à fournir un alibi à son neveu. « Je sais que le 3 janvier, la veille de mon départ, je suis allée en ville pour faire les achats ou les cadeaux d'après Noël avec ma soeur. » Elle précise qu'il ne s'agissait pas de la mère de Guy. « Sur notre chemin nous avons croisé Guy. Je voulais lui faire un cadeau supplémentaire en plus de l'enveloppe que je lui avais donnée pour les fêtes, je trouve cela assez impersonnel », justifie-t-elle de manière très claire et sans jamais s'interrompre. « Nous avons fait nos courses jusqu'à l'heure de fermeture des boutiques, soit 19 heures, ma soeur a acheté quelques vêtements à Guy. Puis nous nous sommes tous les trois installés dans un café du centre-ville », soutient-elle devant un prétoire attentif.


« Jusqu'à quelle heure ? », interpelle Patrick Vogt. « Environ 19 h 30 ou 20 heures. Après les avoir quittés, je suis allée au restaurant. Le même chaque veille de départ, un rituel », souligne-t-elle afin de justifier ses points de repères. Les histoires de la bande dite du Petit Bar ? « Je ne suis pas du tout au fait de tout cela. Je ne lis pas la presse locale », assure-t-elle de manière assez détachée. Sans en rajouter, la défense lui demande seulement si son neveu était armé, du moins si elle l'a aperçu armé. « Jamais ». Son autre soeur, présente avec elle ce jour là, produit la même réponse. Si ses souvenirs sont plus vagues, elle parvient à cibler les horaires pour une raison simple : « J'étais tenue par la maladie de mon père malade à cette époque, surtout le week-end. Je voyais souvent Guy d'ailleurs puisqu'il venait régulièrement voir son grand-père qui vivait chez moi. Ils étaient très proches. Guy est très famille et très attentionné. » Elle profite de l'occasion pour rappeler les qualités de son neveu.


« Nous sommes arrivées en ville vers 17 heures ou 17 h 30. J'en suis partie avant 20 heures puisque c'est à cette heure-là que mon père dînait. » Le ministère public, représenté par Pierre Cortes a pris soin de ne poser aucune question à ces deux femmes. La cour appréciera cet alibi qu'aucun élément matériel ne peut confirmer. 

On pensait que j'entraînais Guy au tir 
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Avant elles, un « ami d'enfance » de Guy est venu déposer. Ancien militaire, il a été interpellé et placé en garde à vue en 2010 dès son retour en Corse après une mission de six mois en Afghanistan. «  Cela faisait deux heures que j'étais arrivé. Si c'était si pressé, les policiers auraient dû venir me chercher en Afghanistan, cela m'aurait arrangé », peste le témoin qui a été entendu durant 71 heures.


« Qu'est ce que l'on vous reprochait ? », questionne le président. « Le juge d'instruction pensait que j'entraînais Guy au tir », glisse-t-il encore choqué par cette idée.


« Votre déposition a été utilisée par le commissaire de police Frédéric Trannoy pour faire un lien entre les faits reprochés à Guy Orsoni et une tentative de meurtre perpétrée le 28 décembre 2008. On sait que vous l'avez vu quelques jours après ces faits, est-ce qu'il vous a donné des éléments pour faire un tel lien ? », interroge pour sa part Me Hervé Temime. « Non, pas du tout », garantit le témoin.


La semaine s'achève en ayant pu balayer le plus largement cette affaire. Si quelques entorses au calendrier ont été faites, l'audience de mardi matin devrait pallier cet insignifiant retard avant de donner enfin la parole aux accusés. 

Assassinat de Thierry Castola : alibi en débat et témoin absent

Publié le jeudi 21 mai

Les coups de téléphones anodins ou les repas entre amis peuvent parfois être débattus devant une cour d'assises. Cela a été le cas hier devant celle des Bouches-du-Rhône, présidé par Patrick Vogt, qui juge depuis le 11 mai douze hommes pour les assassinats de Thierry Castola, Sabri Brahimi et la tentative qui avait visé Thierry Castola dans le courant de l'année 2009 en région ajaccienne.


Les débats, centrés depuis le début de la deuxième semaine de ce procès sur l'assassinat de Thierry Castola le 3 janvier 2009 à Bastelicaccia, ont tourné autour des alibis de Jean-Baptiste Ottavi et David Taddei.


Le prétoire et les témoins ont dû vivre ou revivre, en boucle, cette soirée. Lointaine, et tellement "anodine" pour les personnes entendues. Mais le président, dépositions en main, a pris soin de raviver les mémoires. "Aussi parce que vous êtes peu bavards", a-t-il envoyé à plusieurs reprises aux témoins.

David Taddei était chez nous, ce soir-là
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L'enjeu de ces dépositions était de taille pour la défense, à la recherche d'alibis solides. Les conseils n'ont globalement pas été déçus. Si d'habitude les audiences sont aussi alambiquées qu'incompréhensibles, cette fois, les choses semblaient claires.


"Je suis rentrée du travail vers 19 heures, David Taddei était à la maison avec mon compagnon. Il a dîné avec nous et il était assez tard lorsqu'il est parti", confirme une jeune femme de 28 ans à l'occasion de sa visioconférence. Simple, sans fioriture et avec le sourire, elle apporte un véritable alibi à l'un des accusés incarcérés. Ce soir-là, David Taddei assure être resté chez ce couple d'amis.


 Tous deux ont été entendus et ont confirmé ces éléments, non sans quelques contradictions. La jeune femme doit se souvenir pour la cour à quel moment ils ont appris la nouvelle de l'assassinat. "Nous avons vu le bandeau l'annonçant sur une chaîne d'informations en continu", répète-t-elle après lecture de l'une de ses dépositions. 


"Les premières, en juin, étaient plus approximatives", note le président. Mais pourquoi sa mémoire aurait-elle conservé en détail ce souvenir ? "Au départ, il est vrai que je ne m'en souvenais pas très bien. Et puis, à force d'en parler, les flashs reviennent. Mais c'était une soirée comme les autres, pour moi."

Ce soir-là, David Taddei "a appelé de votre téléphone, pourquoi ?", s'interroge l'avocat général, Pierre Cortes. "Je ne sais pas, il me demande mon téléphone je le lui donne. Je ne me suis pas posé la question." 


 Le ministère public imaginerait-il que cet appel participe à une quelconque création d'alibi ? La défense envisage pour sa part l'idée "que son téléphone se soit éteint par manque de batterie..."

Sans mettre la pression, elle vient enfoncer ce clou-là : "Les jurés vous écoutent, car si vous dites la vérité, David Taddei est acquitté." La jeune femme persiste.


Incertitudes et contradictions ?


S'agissant de son compagnon au moment des faits, l'histoire se répète. À un détail près. "Avez-vous subi des pressions ?", questionne le président. "Oui, un homme que je connais est venu me voir pour que je change ma déposition en me disant que je ne pouvais pas protéger ces gens. À cet instant, la situation m'a inquiété et je lui ai seulement répondu que si c'était lui qui était chez moi, il aurait aimé que je le dise la vérité aussi", relate le quadragénaire. Il précise qu'il n'a plus jamais entendu parler de cela. 


"Lors de vos premières déclarations, vous étiez d'une précision diabolique, vous donniez les heures exactes de tout ce que vous avez fait avec David Taddei. Les pauses, les coups de fils, votre compagne qui vous fait "un petit truc à manger". Et quelque temps plus tard, vous dites que vous n'êtes plus certain de savoir si David Taddei est arrivé chez vous avant 22 h 30 ou non. Vous n'êtes plus en mesure d'attester de la présence de David Taddei à ce moment-là", insiste l'avocat général, frappé par cette incohérence.


Le témoin ne change pas de version. "J'aime beaucoup David, mais je n'aurais jamais fait cela pour lui si ce n'était pas vrai. Et puis je n'aurais surtout pas entraîné ma compagne dans cette galère", se défend-il.

"Le faux témoignage est un délit, si l'on ne vous poursuit pas, cela veut dire que ce témoignage est vrai..." martèle Me Philippe Gatti.

Le témoin a menti
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À l'heure du déjeuner, la compagne de Jean-Baptiste Ottavi s'est avancée à la barre. De toutes ses forces, cette jeune mère a défendu sa famille. Coriace, elle a fait face à la cour et assuré que le père de sa fille, qu'elle "portait dans son ventre au moment des faits", était bien avec elle quand ils ont appris ce qui s'était passé à Bastelicaccia. 


"Nous étions dans notre appartement à Ajaccio. Batti a reçu un appel d'un ami. J'ai immédiatement contacté la femme du propriétaire du bar qui m'a confirmé que Thierry s'était fait tirer dessus. J'ai immédiatement voulu m'y rendre, car je suis de Bastelicaccia et je voulais être avec mes amis."La téléphonie confirme la chronologie de ce dernier appel, il y a en revanche, débat pour le premier. "Une fois à Bastelicaccia, Batti m'a déposée sur les lieux. Il a filé dans l'autre bar du village. Il disait que c'était du voyeurisme et qu'il n'était pas assez proche de la famille pour être là."


Mais la cour se trouve face à une inconnue dans la mesure où l'ami qui aurait appelé Jean-Baptiste Ottavi est depuis décédé. "Il était fragile et il avait très mal supporté ses auditions et gardes à vue. Il s'est suicidé par la suite", glissait vendredi un témoin devant la cour. Lors de ses déclarations, le témoin donnait une autre version. Après avoir appelé le gérant de l'établissement où s'est rendu Jean-Baptiste Ottavi, il est à son tour allé dans l'établissement. "Lorsque je suis arrivé, Batti y était déjà et il m'a demandé mon téléphone pour appeler quelqu'un", assurait ce témoin en garde à vue. Il s'agit du coup de fil que l'accusé a reçu sur son propre téléphone. Ce dernier maintient que c'est bien lui qui l'a appelé et qu'il ne s'est pas appelé tout seul. "Pour par exemple joindre sa compagne", selon l'avocat général. Ou là encore, se créer un mobile ?


La compagne d'Ottavi est formelle : "Le témoin a menti aux enquêteurs, il a subi trop de pression. Lors de la confrontation, il criait, il pleurait, il n'était vraiment pas bien. Je lui en ai voulu au début mais aujourd'hui, je m'en veux de lui en avoir voulu".


Me Camille Romani se sert alors des imprécisions de la jeune femme pour prouver sa bonne foi. "Durant les premières auditions, au départ, vous dites c'est un copain qui nous a appelés, mais je ne sais plus le nom. Idem pour la voiture vous ne vous souvenez pas laquelle vous aviez utilisé pour vous rendre à Bastelicaccia. Pour un alibi fabriqué ce n'est pas terrible, ironise le pénaliste. De plus, à 21 h 28, Jean-Baptiste Ottavi vous appelle de son téléphone alors qu'il se trouve toujours au bar. Personne ne vous a vue dans cet établissement, vous n'avez donc pas pu lui amener entre-temps. Il avait son téléphone avec lui. Et s'il était déjà au bar lorsque le témoin qui fourni une autre version est arrivé, pourquoi se serait-il appelé ?", se demandent les conseils de l'accusé.


Les dépositions de cet homme disparu seront décortiquées par la cour mardi matin.

Aujourd'hui, ce sont les emplois du temps des autres accusés qui seront examinés lors de la dernière audience de la semaine.  

L'écho d'une sonorisation retentit au procès Orsoni

Publié le 20 mai 2015

De l'analyse de la téléphonie à une sonorisation, l'interprétation s'est invitée dans la cour d'assises des Bouches-du- Rhône qui juge depuis le 11 mai douze hommes pour trois crimes commis en 2009 dans la région ajaccienne.


Difficile de se détacher du contexte dans cette affaire. Le procès d'assises dit Orsoni où douze personnes sont jugées depuis le 11 mai, dont Alain et Guy Orsoni, pour les assassinats de Thierry Castola, Sabri Brahimi et la tentative de meurtre de Francis Castola en 2009 en région ajaccienne, se penche plus particulièrement cette semaine sur l'homicide du premier cité, le 3 janvier à Bastelicaccia. Alain Orsoni est pour sa part poursuivi pour un délit connexe, des menaces de mort sur la famille Castola.


Hier, avant de se brancher sur les lignes téléphoniques « occultes » des accusées, la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, présidée par Patrick Vogt, s'est raccordée à un appartement ajaccien sonorisé. Entre ces murs, en octobre 2011, trois hommes font « l'état des lieux de ce qui se passe dans la région. Ils analysent et posent une lecture sur les affrontements et alliances existantes », établit le commissaire Frédéric Trannoy, à nouveau entendu comme témoin. Une sonorisation aussi complexe que sujette à des interprétations.


La défense soulève, à juste titre mais dans un excès de colère, que cette sonorisation a été versée au dossier jugé à leur demande seulement en 2013.

Assassinat de Thierry Castola

la défense crie à la déloyauté

Publié le 19 mai 2015

Les rebondissements ne sont pas rares dans un procès d'assises, a fortiori lorsqu'il s'étale sur près de deux mois.


Hier, le seul témoin oculaire, s'agissant des tireurs, présent au moment de l'assassinat de Thierry Castola le 3 janvier 2009 à Bastelicaccia a servi la défense qui dit avoir soulevé une « faille » dans la procédure. Une faille, « symbolique » aussi, qui profite à tous les avocats de la défense dans cette affaire où douze personnes sont jugées par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, présidée par Patrick Vogt, depuis le 11 mai pour ces faits ainsi que deux autres crimes. En l'occurrence l'assassinat de Sabri Brahimi le 29 janvier 2009 à Ajaccio et la tentative de meurtre perpétrée contre Francis Castola le 22 juin de la même année route d'Alata, en périphérie de la cité impériale.


Une « non-dénonciation », des changements de versions ou encore l'annonce d'une « garde à vue non actée » ont agité le banc de la défense sans pour autant faire sourciller le président. Et à peine sursauter l'avocat général, Pierre Cortès.


Le témoin d'une vingtaine d'année, une jeune femme enfermée dans le téléviseur accroché dans la salle d'audience du palais Monclar d'Aix-en-Provence, dépose enfin depuis Clermont-Ferrand. Dans le programme initial, son audition était prévue vendredi aux côtés des autres témoins directs de la scène de crime.


« Mise sur écoute » après son silence


Mais elle est bien la plus à même de relater ce qui s'est passé ce soir là. Elle ne se trouvait pas dans le bar d'où sortait Thierry Castola et n'était pas non plus sur le parking de l'établissement.


La jeune femme se trouvait sur la route, « non loin du lieu où étaient embusqués les tireurs ». Alors qu'elle promenait son chien, elle a vu « quatre hommes, sortir des fourrés ». Cette information, les enquêteurs ont dû aller la chercher. « Lors de votre première audition, vous n'aviez rien dit », souligne le président. Mais « très bien inspirés », selon les mots d'un avocat de la défense, ces derniers l'ont mise sur écoute. « Dix jours plus tard, vous relatiez au téléphone, avec beaucoup de détachement, la scène. Vous précisiez que les enquêteurs pensaient qu'ils pouvaient y avoir deux tireurs alors qu'en réalité il y en avait quatre », rappelle à la jeune femme Patrick Vogt.


« J'ai eu peur, c'était beaucoup plus facile de dire cela à quelqu'un que je connaissais qu'aux gendarmes », justifie-t-elle alors que le président note que son père est lui même gendarme.

Percée à jour, elle est alors placée en garde à vue. La défense s'attardera par la suite sur ce point, de toute évidence litigieux.


Pour l'heure, le président continue la lecture de son audition : « Là, vous revenez sur vos premières dépositions. » Le témoin est alors en mesure de donner plus de détails sur les hommes qu'elle a aperçue le 3 janvier 2009 peu après 20 heures sur une route sombre de Bastelicaccia.


« Les quatre hommes parlaient français. Mais je ne les ai pas vus, j'ai baissé la tête, car j'avais peur qu'ils me tuent », maintient-elle devant la cour.


Au moment de fournir de plus amples précisions sur les personnes croisées, sa version diffère. « Si j'ai dit qu'ils étaient bruns je ne m'en souviens plus. » Idem pour les tenues, la voiture ou encore l'accent.

Seulement 1h30 retranscrite sur la journée
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Les avocats de Guy Orsoni, Mes Hervé Temime et Martin Reynaud, vont par la suite mettre à jour une vérité. Me Reynaud, dans un jeu de questions réponses rapides, ramène le témoin au moment de sa garde à vue ce même 14 janvier 2009. Elle enchaîne les réponses : « Trois gendarmes sont venus me chercher vers 7 heures. Ils m'ont entendue toute la journée. Je suis sortie vers 16 heures. J'ai mangé une poire. Ils m'ont indiqué ce que j'encourais mais ne m'ont pas notifiée mes droits. J'ai enfin signé un document comme quoi ma garde à vue était levée. »


Une fois ces éléments reconnus, Me Martin Reynaud informe que « ce procès verbal ne précise à aucun moment qu'il s'agit d'une garde à vue. C'est une simple déposition. D'ailleurs, l'audition débute vers 8h et s'achève à 9 h 30. Rien de ce que le témoin a pu dire jusqu'à 16 heures n'est inscrit », pilonne-t-il avec sang-froid. Ce que Me Hervé Temime aura plus de mal à faire à sa suite. « Je demande à ce que tout cela figure aux débats. Sur la journée de garde à vue du seul véritable témoin oculaire, seulement une heure trente a été retranscrite. Cela démontre une procédure d'une déloyauté absolue », tonne le pénaliste. Le président entend la demande des conseils et fait consigner ces éléments par le greffier.

« Il est à craindre qu'il ne s'agisse pas de la seule faille », murmure entre deux portes un autre avocat de la défense au moment de la suspension d'audience.


Aujourd'hui, face aux enquêteurs qui viendront décortiquer la téléphonie, il semble que ce sont les robes noires qui pourraient davantage être en difficulté que l'accusation. 

Accent corse  ? 
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Le ministère public, représenté par Pierre Cortès, devançant les avocats de la défense, porte à la connaissance de la cour un élément particulier. « Dans votre première déposition vous disiez qu'ils n'avaient pas l'accent corse. Plus tard vous allez nuancer votre propos en affirmant avoir seulement entendu des sons, ce qui ne permet pas de déceler un accent ? », interroge-t-il. « Effectivement je n'ai pu percevoir aucun accent », soutient-elle.


Me Luc-Philippe Febbraro, qui intervient aux intérêts de Jean-Baptiste Ottavi, questionne une jeune femme « arrivée en Corse à l'âge de 5 ans pour en repartir 18 ans plus tard ».


« Vous connaissez donc l'accent corse. Le 14 janvier 2009 vous dites être formelle en affirmant que les hommes que vous avez entendu parler n'avaient pas l'accent corse. Trois ans plus tard, vous assurez qu'il ne vous était pas possible de remarquer un quelconque accent. On peut penser que la déposition du 14 janvier est plus proche de la réalité que celle de 2012 », soumet-il au témoin. « C'est évident », concède la jeune femme. 

 Assassinat de Thierry Castola : alibis et sonorisation en débat

Publié le 18 mai 2015

La deuxième semaine du procès dit Orsoni, dans lequel trois crimes sont jugés depuis le 11 mai, doit se concentrer dans les jours qui suivent à cet homicide et analyser les différentes versions avancées.


La cour d’assises des Bouches-du-Rhône reste aujourd’hui encore à Bastelicaccia, village situé à quelques kilomètres d’Ajaccio. Là où, le 3 janvier 2009, Thierry Castola, 36 ans, a été abattu à la sortie d’un bar. Alors qu’elle juge depuis le 11 mai douze hommes, dont Alain Orsoni et son fils, pour trois crimes, la cour, présidée par Patrick Vogt, disposera encore de cinq semaines pour aborder l’assassinat de Sabri Brahimi le 29 janvier 2009 et la tentative qui avait visé le 22 juin de la même année Francis Castola, frère de Thierry.


Si le programme de ce procès-fleuve, véritable enjeu pour la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, a pris soin de différencier les affaires afin de rendre leur lecture plus claire, elles n’en représentent en réalité qu’une seule.


Témoins manquants ?


Durant cette deuxième semaine, les proches des accusés ainsi que les enquêteurs viendront témoigner à la barre de la salle d’audience du palais Monclar d’Aix-en-Provence, uniquement sur l’assassinat du 3 janvier 2009.


La présence de la famille Castola, qui devrait déposer dès ce lundi matin, n’a pas été confirmée. L’ex-femme de Thierry Castola, et mère de son fils, seule partie civile de ce procès, s’est elle déjà adressée à la cour vendredi. Une matinée devrait en revanche être consacrée à une partie des amis de la victime. Selon les différents bilans effectués au cours des premiers jours d’audience, il n’est pas exclu que d’autres "témoins manquent aussi à l’appel pour s’exprimer dans cette affaire". Introuvables ou à des kilomètres de la ville aux mille fontaines, ces derniers ne semblent pas particulièrement chercher le chemin de la cour. Si les autres membres de la famille Castola, le frère, la mère et la sœur de la victime, étaient absents, le président pourrait alors choisir d’entendre directement les proches d’Alain Orsoni, programmés dans l’après-midi. Interrompant les dépositions de l’entourage, la cour donnera la parole aux enquêteurs dès mardi, notamment sur les sonorisations.


Puis, les plus proches, les intimes ou encore les familles de Jérémy Capitta, Jean-Baptiste Ottavi, David Taddei, José Scanu et Guy Orsoni reviendront sur les heures qui ont précédé et suivi cet assassinat. En six ans, certaines versions ont été modifiées, au fil des interrogatoires ou des contres témoignages, et d’autres emportées dans la tombe. Cette semaine, il faudra "dire la vérité toute la vérité" et se souvenir.


Mais, "c’était il y a six ans", le rappelaient déjà vendredi les témoins directs de la scène de crime, fouillant dans leur mémoire.


Après un début de procès marqué par la thèse de l'accusation, qui évoque la "réorganisation du banditisme corse ainsi qu’un différend financier" comme mobiles, les prochaines déclarations apporteront-elles de nouveaux éléments à la cour ? Réponse au terme des débats.